Résumé du déroulement des quatrièmes rencontres de Saint Louis
(par Bernard Aubert)
Les quatrièmes rencontres de Saint Louis, ayant pour thème « les fortifications de Louis IX dans le royaume et l’outre-mer », se sont tenues le 28 octobre 2015 à partir de15h00 à la salle des Caves de Hautes Plages de La Grande Motte. Le concours de deux historiens archéologues avait été sollicité pour l’occasion.
Devant un auditoire d’une centaine de personnes, le président Guy Puech a ouvert la séance en présence du maire Stephan Rossignol, qui a prononcé des mots de bienvenue et rappelé tout l’intérêt qu’il portait à notre association, ayant inauguré le matin même, la nouvelle allée Marguerite de Provence. Ces rencontres se tenaient sous le patronage de l’Académie des Sciences et lettres de Montpellier représentée par son président Michel Voisin et son secrétaire perpétuel Philippe Viallefont. Jean Pierre Dufoix notre père fondateur a rappelé l’historique et le but de nos rencontres inaugurées en 2007 et que nous nous efforçons d’organiser à tour de rôle dans différentes communes d’accueil.
Guy Puech a ensuite présenté Nicolas Faucherre, notre premier conférencier, professeur d’histoire de l’Art à l’université d’Aix Marseille, archéologue et historien spécialiste des citadelles des rois de France couvrant une période qui va jusqu’à Vauban. Connu également pour ses travaux sur les fortifications byzantines et orientales, il a effectué de fréquentes missions en Orient, étant expert auprès de l’UNESCO pour le patrimoine fortifié. Nicolas Faucherre s’est fait le porte-parole de Christian Markiewicz autre archéologue invité à nous parler des travaux conduits sous les remparts d’Aigues-Mortes, mais retenu sur un autre chantier de fouilles. Associé à l’équipe d’Aix-Marseille, Christian Markiewicz a poursuivi d’importantes recherches en Provence médiévale et en Languedoc.
Exposé de Nicolas Faucherre
L’intervention de Nicolas Faucherre s’intitulait « Les fortifications de Saint Louis de la métropole à l’outre-mer, d’Angers à Césarée». En introduction le conférencier rappelle que la marque la plus évidente du pouvoir royal sous les capétiens est la « tour » dont relève tout fief du royaume. Elle constitue la marque du pouvoir politique de Philippe Auguste qui en construira près d’une centaine.
Souvent isolée à l’angle d’un château ou intégrée dans une enceinte urbaine fortifiée, elle est équipée d’archères à embrasure étroite avec légère plongée pour permettre le tir axial. La porte d’entrée dans la citadelle est encadrée de deux tours accueillant venteaux, herse, et assommoir, l’ensemble pour servir de filtre. Les tours peuvent être utilisées comme prison et peuvent héberger des archives dans leurs murs.
Louis IX s’est inscrit dans la tradition de son grand-père en aménageant plusieurs sites dont le principal fut la citadelle d’Angers avec ses 17 tours rayées où alternent schiste et grès. Il y aura aussi Lastours, Beaucaire, Carcassonne, Laon, Coucy, Cambrai et quelques autres dont la tour Constance d’Aigues-Mortes.
Après la défaite de la Mansourah dans le delta du Nil, Louis IX restera quatre années en Orient. Il va s’investir dans la restauration des citadelles des états latins d’Orient, notamment Castel Monte, Atlit, Arsuf, le Krach des chevaliers et Marquab où il construit une tour très semblable à celle de la tour Constance.
Il apportera aussi un soin particulier au renforcement des défenses de Saint Jean d’Acre et de Césarée villes portuaires distantes d’une cinquantaine de kilomètres. Ces deux plus importants chantiers se dérouleront entre 1250 et 1252, le roi n’hésitant pas à payer de sa personne pour transporter des pierres «en la hotte sur ses épaules».
Nicolas Faucherre qui a participé pendant plusieurs années aux campagnes de fouilles entreprises à Césarée, détaillera le soin pris par Louis IX dans la restauration des remparts et des fossés de garde. Il fera de l’ancienne capitale de la Palestine romaine fondée par Hérode en 22, une place forte estimée imprenable. Les armées musulmanes ayant pour habitude de saper les remparts sous la protection de chat-château venant au contact de la muraille, le roi fera placer des colonnes de granit et de marbre en damiers au sein même des remparts pour prévenir les ouvertures de brèches par les assiégeants.
Remparts de Césarée avec à droite le dispositif des colonnes en damiers (N. Faucherre)
Terminée en 1252 année de son retour en France, cette campagne de restauration n’aura pas les résultats escomptés. En effet Baybars au service du nouveau Sultan Mamelouk d’Egypte s’emparera de Césarée le 27 février 1261, puis prendra possession successivement de toutes les autres places fortes de la chrétienté y compris du Krak des chevaliers qui tombera en 1271. Les retournements de situation survenus avec l’invasion mongole et la déposition du sultan de la dynastie Ayyoubid assassiné, au profit de la nouvelle dynastie des Mamelouks auront eu raison des systèmes de défense «philippiens». Si bien que Louis IX prendra la décision d’organiser une nouvelle croisade laquelle s’arrêtera à Tunis où il perdra la vie.
Guy Puech a remercié Nicolas Faucherre pour son brillant exposé illustré de 103 diapositives. Il fit part de l’importance des vestiges laissés par Louis IX à Saint Jean d’Acre et Césarée, ayant eu l’occasion de visiter les lieux une semaine auparavant.
Présentation de Christian Markiewicz
En son absence, Nicolas Faucherre présente une série de clichés pris par Christian Markiewicz sous les remparts d’Aigues-Mortes. Un horizon de contexte médiéval a été trouvé à 1,7 m de profondeur comportant de nombreux tessons de céramique toscane datée du début du XIVème siècle. Cette découverte atteste que les remparts d’Aigues-Mortes constituent un très riche dépôt archéologique. En effet tout laisse penser que des barques de transport venaient s’amarrer aux anneaux des remparts Sud pour le transit de marchandises notamment sel, vin, huile, miel… Lors d’une nouvelle fouille conduite les 6 et 7 novembre 2015 par Nicolas Faucherre et Tony Rey, un socle de grandes dalles a été découvert sous le mur des remparts à la porte de la Marine. En outre, en avant des remparts un important niveau de gros galets a été localisé à environ 2 mètres de profondeur. Un total de 87 blocs a été extrait au tractopelle sur environ 15m2. Des fragments de blocs débités attestent l’origine anthropique du dépôt. La description et l’interprétation de cette découverte sont en cours et feront l’objet d’un compte-rendu ultérieur.