Les Cinquièmes rencontres de Saint Louis, organisées par l’association « Sur les pas de Saint Louis en baie d’Aigues-Mortes », se sont tenues le Lundi 14 novembre 2016 au cinéma Marcel Pagnol de la ville d’Aigues-Mortes.
Pierre Mauméjean -maire d’Aigues-Mortes- et Jean-Claude Campos -son adjoint à la culture et au patrimoine communal- ont accueilli ces Cinquièmes rencontres de Saint Louis par des mots chaleureux de bienvenue. Le président Guy Puech les a remerciés pour leur présence et pour la mise à disposition de la salle du cinéma Marcel Pagnol. Il a rappelé ensuite l’esprit dans lequel les rencontres de Sant Louis se déroulent depuis près de dix ans maintenant, et précisé que le bureau de notre association avait retenu pour cette année 2016 le thème de « navigation médiévale », avec un déroulement en trois temps :
– Un film documentaire, propriété des Monuments nationaux, traitant de la Reconstitution de la nef La Montjoye, présenté par Patrick Florençon, historien médiéviste des Monuments nationaux.
– Une conférence sur « Aigues-Mortes, port relié au Rhône par Saint-Gilles », présentée par Louis Borel, ingénieur du génie rural et historien de l’Académie d’Arles.
– Une seconde conférence décrivant « les Galères et caraques touchant Aigues-Mortes au 14e et 15e siècles », proposée par Philippe Rigaud, historien de la Marine.
Ces différentes interventions ont été filmées par Claude Balny, vidéaste. Elles seront prochainement visibles sur notre site internet.
Le contexte de ces cinquièmes rencontres
Projeter une force navale en vue d’un débarquement sur des rivages lointains et hostiles nécessite beaucoup de détermination et de préparatifs. Une telle démarche ne peut se concevoir sans vision stratégique doublée d’un soutien logistique d’envergure.
Au-delà du pèlerinage pénitentiel, la « geste de croisade » décidée par Louis IX au XIIIe siècle, unissait la chrétienté dans une lutte armée pour la reprise de la Terre Sainte. L’opération donnera lieu à la construction de puissants navires de charge très ventrus et peu manoeuvrants, mais dont les dimensions n’avaient encore jamais été égalées jusque là. Ils pouvaient embarquer 120 chevaux, 400 passagers, 50 hommes d’équipage avec approvisionnement pour une autonomie de plus d’un mois. C’était véritablement un nouveau mode de transport, non seulement sous l’angle de la construction navale avec commandes « clef en main », mais aussi en termes de logistique et de navigation. En réalité ce fut l’amorce de grands changements dans le trafic maritime au long cours, changements qui aboutiront plus tard à la construction des caraques parties à la découverte des Amériques. Cette question a fait l’objet du film documentaire présenté par Patrick Florençon.
Aigues-Mortes, un port fluvio-lagunaire et maritime.
L’appareillage de la flotte royale pour l’Orient méditerranéen ne pouvait dès lors se faire que d’un port qui soit à la hauteur des ambitions affichées. Louis IX va négocier l’achat à l’abbaye de Psalmody de son port de Notre Dame des ports sur l’Agual Mort. Il y fait construire la tour Constance, premier élément d’un port fortifié qui offrira une ouverture sur la Méditerranée. La plus ancienne mention de navires accostant au large d’in aguas mortis remonte à 1231. Toujours en 1246 sur ordre du roi, le seigneur de Lunel fera recreuser le canal de la Radelle (repère 7 dans la carte ci-dessous – ancienne fossa gothica) pour établir Aigues-Mortes dans le trafic commercial lagunaire où prédomine le sel.
Mais plus encore, le nouveau port d’Aigues-Mortes situé près d’un ancien bras du Rhône restera en communication avec cet indispensable axe fluvial rhodanien. Plusieurs canaux de liaisons fleuve/étangs seront creusés et entretenus pour relier Aigues-mortes au port de Saint-Gilles. Ce seront notamment les roubines Rosanal (repère 4) et Raymond (repère 3) qui joueront un rôle essentiel dans l’acheminement des matériaux de construction, des vivres et d’une partie des armées. Ce sujet a fait l’objet de la présentation de Louis Borel.
Pour l’accès à la mer il y aura enfin le creusement du canal Viel dont on ne connaît pas la date exacte. Mais selon le géologue Alain L’Homer cette voie d’eau ne peut être un ancien méandre du Rhône comme certains l’ont prétendu. Elle a été creusée de main d’homme pour relier l’étang de la Marette à la mer. Les barges de cantier l’emprunteront pour rejoindre les nefs stationnant dans la rade du Repausset, où appareillèrent les flottes de Thibaut de Champagne (1239), celles des deux croisades de Saint Louis (1248 et 1239), et très probablement aussi celle de Philippe III le Hardi lors son expédition contre le roi d’Aragon (1285) qui motivera l’ouverture du nouveau passage de La Peyrade ( voir carte ci-dessous). Le rivage nord-ouest de la rade du Repausset au débouché du canal Viel, n’a que peu évolué entre 1280 et sa représentation sur des cartes anciennes, antérieures à la dérivation du Vidourle.
Sans les projets de croisades de Louis IX, la citadelle d’Aigues-Mortes n’aurait jamais existé dans la configuration que nous lui connaissons. Et loin de s’arrêter au XIIIe siècle le port d’Aigues-Mortes restera actif jusqu’aux XIVe, XVe et début du XVIe siècles. Non pas cette fois pour des transports de troupes ou de pondéreux, mais essentiellement pour des escales de galères de faible tirant d’eau et transportant des épices, étoffes ou autres articles de valeur en concurrence avec le port de Lattes dépendant des Consuls de Montpellier. Dans sa présentation, Philippe Rigaud a dressé un inventaire des principaux types de navires qui faisaient escale à Aigues-Mortes, au rang desquels on comptait des grandes galères vénitiennes ainsi que des caraques catalanes.